Colloque
pour les 100 ans d’Erving Goffman (1922-1982)
organisé les 28-29 novembre 2022
à l’EHESS (Campus Condorcet)
par Mathieu Berger (UCLouvain/CriDIS-IACCHOS), Daniel Cefaï (EHESS/CEMS) et Carole Gayet-Viaud (CNRS/CESDIP).
Politiques
de l’interaction
Relire Goffman sous l’angle du
politique
Mathieu Berger, Daniel Cefaï, Carole
Gayet-Viaud
28-29
novembre 2022
Voilà 100 ans que naissait Erving Goffman,
et son œuvre, lue et relue, nourrit depuis plusieurs décennies une grande diversité
de travaux. L’entrée dans la compréhension de la
vie sociale au travers de l’ordre de l’interaction, qu’il
a élaborée dès sa thèse en 1953 et qu’il a thématisée jusqu’à sa conférence de
président à l’ASA en 1981, s’est
avérée d’une
grande fécondité. Ce fut également le cas, ces dernières décennies, pour ce qui est
de l’enquête sur le politique. Ce centenaire offre une
occasion de faire le bilan sur ce que Goffman a apporté à celle-ci et, à
l’épreuve de ses héritages contemporains, d’ouvrir
de nouvelles pistes de recherches, avec Goffman et au-delà de son enseignement.
Par cet appel à contributions, nous voudrions rassembler un
ensemble de recherches dans lesquelles l’œuvre de Goffman est mise à l’épreuve de situations et d’objets
qui la poussent à ses limites, enjoignant de reprendre
à nouveaux frais son traitement de la question
politique. Dans la rue, dans les débats publics, dans les situations de
travail, dans l’interaction police-population, dans
les relations patient-médecin ou assistante sociale-usager, dans l’espace
domestique, des relations éducatives aux disputes conjugales, dans les formes d’engagement
civique et de mobilisation politique, comment l’étude de l’ordre
d’interaction nous a-t-elle apporté de nouvelles
perspectives ? En quoi Goffman peut-il être mobilisé dans les enquêtes
contemporaines sur des relations commandées (ou non) par des catégorisations
liées au genre, à l’ethnicité, à l’âge ou à la classe sociale ? Est-ce que l’on peut aller plus loin que les
nombreux travaux qui se sont réclamés de lui en matière de production des nouvelles
médiatiques, de cadrage des problèmes publics, de perpétuation de croyances
idéologiques, de déroulement des assemblées participatives, de passage à
l’engagement civique, etc. ?
A-t-on épuisé les nombreuses interrogations sur la pluralité, la visibilité
et l’accessibilité au cœur de l’ordre public, qui ont donné lieu à
des recherches sur les espaces urbains et à des applications en termes d’aménagement de lieux publics ? Et
peut-on réveiller les travaux de Goffman sur la stigmatisation, la
discrimination, la dramatisation et l’enfermement, trop souvent tenus
pour acquis et réduits à quelques propositions de
manuels, aux dépens de leurs finesses et nuances ?
Que sont devenues ces approches intrigantes des analyses du framing et
du footing qui l’ont beaucoup occupé ses dernières années ?
L’œuvre de Goffman fourmille d’interrogations
qui nous amènent à nous demander ce que nous
qualifions de « politique ». Elle sème le trouble dans une compréhension trop facile de l’émergence et
de l’opération de normes sociales.
Elle a été cruciale, alors que Goffman est souvent
taxé d’apolitisme, sur le renouvellement des approches du genre
et des relations raciales. Et elle a fondé une réflexion sur les espaces
publics, urbains, civils et civiques. Un reproche est, cependant, souvent
adressé à Goffman : il serait resté cantonné à des séquences d’interaction
courtes et à des situations de petite taille et s’interdirait
de saisir un grand nombre d’enjeux politiques, sociologiques ou
historiques. Goffman serait confiné dans un domaine de recherches, que l’on
a souvent qualifié de « microsociologique », au risque de le replier sur la « découverte
d’un continent de l’infiniment
petit »
(Bourdieu). Dans quelle mesure les présupposés de Goffman l’empêchent-ils d’analyser d’autres
temporalités et échelles de la réalité sociale, qui
transcendent l’ici et maintenant des scènes de
coprésence ? Ne le fait-il jamais ? Quand il le fait, comment le fait-il ? Quels points aveugles et angles morts pouvons-nous en ressaisir ? Cela nous invite à reformuler la
question centrale, théorique et pratique, du fameux « couplage flou », qui articule l’ordre
de l’interaction, d’une part, et l’ordre
des structures ou l’ordre des institutions d’autre
part : quel sens donner à ce loose coupling qui apparaît dans
son texte-testament sur l’ordre d’interaction
(1983) ? Quelles sont les autres interprétations
de ce « couplage » qui apparaissent dans d’autres
textes de Goffman ? Quelles en ont été les conséquences dans la menée de l’enquête ? Qu’en faire et comment préserver cet
héritage tout en explorant d’autres possibilités ? Faut-il s’en tenir à un certain nombre d’analyses qui opposent micro et
macro, en ajoutant parfois une couche méso pour faire la jonction ? Ou faut-il remettre en cause ces distinctions en sociologie ? Dans quelle mesure s’en tenir à une définition de la situation en termes de « coprésence » ? Et
comment cette « coprésence », de plus en plus
médiatisée par toutes sortes d’artefacts, se transforme-t-elle ? Faut-il pour autant affirmer que la situation n’est
jamais que l’ombre portée de rapports de force, de
gouvernement ou de domination qui se jouent ailleurs ? Finalement, on retrouve une question qui a été posée dans des précédentes livraisons de « Raisons
Pratiques » : qu’est-ce
qu’une situation ?
Que faut-il mettre dans la « situation », sachant que celle-ci n’était déjà pas la
même chez Goffman que chez William I. Thomas ou Max
Gluckman, pour citer deux autres tenants de la situational analysis ? Autrement dit, comment interroger les formes situées de la vie
sociale, dans ce qu’elles ont d’incertain,
d’indéterminé (mais non d’arbitraire ou de gratuit), sans
affirmer pour autant leur entière autonomie (réduction présentiste, clôture dramaturgique), ni en faire les simples illustrations « micro » d’un ordre de structures sociales ou
de processus historiques (réduction structuraliste) qui se jouerait ailleurs ? Comment la sociologie de Goffman éclaire-t-elle l’opposition
classique entre micro et macro et au-delà, les
nombreux dualismes qui irriguent la compréhension de son œuvre : immanence/transcendance, individu/collectif, présent/passé
et futur, pratiques situées/sens institué, expression/conventions, tradition/critique ? En quoi Goffman a-t-il conduit à poser
ces questions classiques de façon différente ? Comment a-t-il dans sa thèse de 1953 inauguré un type d’observation
et de description inédit, qui a du reste fait scandale à l’époque à Chicago ?
Comment a-t-il contribué à la réinvention d’une
démarche ethnographique en ethnographie, en nous invitant à rendre
minutieusement compte de ce qui se passe sous nos yeux ou à portée de nos
sens ? Que dire de ses choix d’enquête, des observations aux îles Shetland
à celles du St Elizabeths Hospital, en passant par sa pratique singulière de
rassemblement de corpus dans Frame Analysis, Stigma ou Behavior in Public
Places ? Comment découpe-t-il les scènes qu’il décrit ? Que
laisse-t-il de côté que nous reprendrions si nous devions décrire les mêmes
scènes ? Jusqu’où s’en
tenir à la lettre de Goffman ? Comment le reprendre et le déborder – sans
pour autant projeter d'emblée dans la situation des raisonnements très généraux
en termes de processus historiques et structures sociales (le « big
structures, large processes, huge comparisons » de Charles Tilly) ? Comment articuler l’analyse de la situation à des possibilités de réflexivité, de critique et de
changement social et politique, largement impensées dans l’œuvre de Goffman ?
Les lectures de Goffman ont insisté sur les enquêtes que ses travaux ont rendu possibles, à la fois en termes scalaires (fixant le regard sociologique sur l’expérience
locale de la coprésence) et en termes temporels (le temps de l’interaction étant
celui d’un présent fragile, sur la brèche, perpétuellement renouvelé). Mais ces
cadrages, très serrés, ont souvent laissé hors du champ de la description et de
l’analyse un certain nombre d’éléments
du contexte. Que nous montre une sociologie d’inspiration
goffmanienne du monde social, mais aussi qu’en
oblitère-t-elle ? Que nous dit Goffman du « politique », que lui a-t-on fait dire, qu’a-t-il
échoué
à nous dire et sur quels points devons-nous rouvrir le chantier ? De nombreuses recherches ont commencé à creuser ces questions : ethnographies de conduites de la vie quotidienne, souvent considérées comme relevant de « l’infra-politique » ;
anthropologie des épreuves de la civilité et de la citoyenneté ; ethnographie morale des relations de service aux usagers ou aux
bénéficiaires ; études
de rencontres et de rassemblements publics en co-présence ou en ligne ; observations d’assemblées délibératives ou de
forums participatifs, etc. D’autres travaux ont renouvelé l’analyse
des institutions en s’appuyant sur l’étude minutieuse des
formes de l’interaction, aux guichets, dans la relation avec divers
agents de l'État, des guichets sociaux aux forces de l’ordre,
du coin de la rue aux préfectures, des bureaux d’assistantes
sociales, de la CAF ou du Pôle Emploi aux
commissariats et aux tribunaux. Mais les modalités du passage des « fonctionnements » que l’on dit « structurels » ou « historiques » aux
dynamiques locales de production ou d’interprétation
de normes ou de pilotage du déroulement des situations par les participants,
restent souvent hors champ. De même qu’une
confrontation à la question : qu’est-ce
que Goffman peut nous enseigner sur les « cadres
de l’expérience démocratique » ? Et question en miroir : comment ce que nous entendons par « expérience
démocratique » nous permet de relire Goffman autrement ?
Nous suggérons ici
quelques pistes, non exclusives, non définitives, qu’il
nous semble utile d’investiguer, en apprenant de
Goffman et en nous confrontant à lui. L’enjeu
est, encore une fois, de relire attentivement les textes, éventuellement de les
resituer dans leur contexte, d’examiner les interprétations qui en
ont été données et les usages qui en ont été faits – en particulier, les réceptions
et les applications par des proches de Bourdieu ou de Foucault ; et à partir de là, de développer
notre propre travail d’enquête,
empirique ou théorique, pour voir ce que Goffman nous dit du « politique », ce qu’il
échoue à nous dire, comment il fait bouger notre
compréhension du « politique » et
comment nous allons parfois contre Goffman ou au-delà de
Goffman dans notre conception de l’ordre d’interaction
et d’une politique des interactions. Parmi les thématiques,
provisoires, donc, que nous avons en vue : [1]
les récentes transformations de l’interaction en face-à-face et de la coprésence induites par la
multiplication des médiations technologiques, qui appellent à renouveler l’écologie des interactions en face-à-face ; [2] les façons dont l’importance prise par les réseaux
sociaux amène
à repenser les questions de l’expositionde soi, de la visibilité et de l’accessibilité, qui sous-tendent
une conception goffmanienne de la publicité, et comment elle invite à poursuivre l’enquête
sur de nouveaux types de clivages, disputes, identités, croyances,
interactions, etc que ceux des années 1970 ; [3] les modes d’expression
des mécontentements, des dénonciations et des revendications dans des rassemblementset la composition des activités en ligne / hors ligne qui change les dynamiques
collectives de la réunion, de la manifestation ou de l’occupation ; [4] les reconfigurations de l’interaction
civile face aux crises qui reconfigurent les milieuxurbains : que se passe-t-il en cas de menace de terrorisme ?, au moment de la pandémie ?, eu égard à la visibilité accrue de la misère et du
sans-abrisme ? Quels troubles et alarmesleur sont associés?, quelles « expériences négatives » sans
passage à l’enquête ou à la
critique ? ; [5]
les formes contemporaines de l’offense interactionnelle
(violence des échanges politiques, trolling, blasphème,
cyber-harcèlement
des adolescents, etc.) et la place centrale que le stigmate, sa neutralisation
ou son renversement ont pris dans les relations de genre et race; [6] les phénomènes de débordementdans la vie sociale, publique et politique, depuis la valorisation des
identités queer et « trans- » jusqu’à la banalisation — voire l’attente — de la
transgression dans l’exercice de la citoyenneté comme
dans l’exercice du pouvoir (ex : Trump, Bolsonaro).
1. Coprésences
Les concepts goffmaniens ont permis de
développer une véritable écologie de l’expérience
publique. Mais qu’advient-il des interactions en
public développées au sein de milieux numériques, médiatisées par des
interfaces technologiques, ou encore empêchées par ces
mêmes objets, lorsqu’ils
n’agissent plus comme médiation mais comme « écran » (au sens
de Goffman), nous isolant partiellement de notre environnement social immédiat ? Quelles sont les conséquences de l’usage
systématique d’objets connectés — et des
nouvelles formes d’ « auto-engagement » (manipulation constante des smartphones)
et d’inaccessibilité (casques noise cancelling,
personnes plongées dans leur laptop dans les cafés ou les trains) qui l’accompagnent
— sur
les situations de coprésence urbaine et sur la grammaire des interactions entre
inconnus ?
Les configurations débordant la situation
sociale de coprésence représentent pour l’interactionnisme
« un
problème épouvantablement complexe », que compliquent encore davantage les dispositifs numériques
organisant aujourd’hui bon nombre de nos rencontres et
rassemblements (Skype, Zoom, Teams, etc.) :
quelles sont les forms of talk qui émergent de ces nouveaux usages, de ces
situations d’interlocution médiatisée ?
Devant les limites et altérations propres à
ce nouvel ordre de l’interaction
numérique, certains auteurs de philosophie politique redécouvrent les vertus de
l’interaction directe et de la visibilité mutuelle non médiatisée.
Peut-on trouver chez Goffman des éléments permettant
de fonder en théorie une pratique de la démocratie communicationnelle sur un
ordre de l’interaction en coprésence ?
2. Exposition
Le « champ de
la vie publique » est pensé par Goffman à partir de
la visibilité et de l’accessibilité. Cette visibilité se
conjugue avec une accessibilité. On se rend accessible ou inaccessible aux
autres ; des écrans matériels ou digitaux, des arrangements situationnels ou
des barrières
conventionnelles sont ménagés pour filtrer les
sollicitations et les interpellations. Certaines personnes semblent être accessibles en droit – Goffman les
appelle les personnes ouvertes (open persons) à qui l’on peut s’adresser
aisément, sans autorisation particulière. D’autres
sont inaccessibles et c’est là l’un
des signes de leur pouvoir – elles décident
unilatéralement quand et avec qui s’engager dans des interactions.
Cette exposition mutuelle, asymétrique et
parfois inégalitaire, a acquis au cours des dernières décennies une place centrale
dans les pratiques et les revendications démocratiques contemporaines. L’accessibilité des
femmes en public (et leur disponibilité supposée à l’interaction sexuée)
ont été décrites et dénoncées
– et sont désormais combattues – sous la catégorie de « harcèlement de rue ». L’accessibilité des
lieux, des biens et des services est un droit civique reconnu et défendu par
les personnes en situation de handicap, tandis que le double jeu de la
visibilité et de l’invisibilité du « handicap visible » (Davis)
dans les échanges interactionnels continue d’être une source de difficulté. De même, les caractéristiques ethniques ou raciales visibles et les
discriminations qui s’y rattachent font l’objet
de formes croissantes de politisation.
S’exposer requiert des formes de confiance, dont certaines
des fondations semblent aujourd’hui bousculées. Comment l’entrée par les
interactions permet-elle d’aborder les dynamiques sociales de
production de la confiance, mais aussi celles de production de la défiance et
de la violence ? Comment l’outillage
analytique goffmanien éclaire-t-il les formes de dispute et de conflit, mais
aussi les compétences et les dynamiques de médiation, de diplomatie, et plus généralement, l’ensemble des conditions pratiques
de production et de maintien (ou au contraire, d’effondrement)
de la paix civile ?
3. Rassemblements
Goffman développe
le projet d’une sociologie des rencontres, des rassemblements et des
occasions. Le rassemblement (gathering) désigne tout regroupement de deux personnes ou plus qui, à un moment donné, se trouvent en présence les unes des autres, en
coprésence dans l’espace et en continuité dans le
temps. Un attroupement dans la rue ou la partie de whist, en tant qu’événements collectifs de coprésence, sont des rassemblements. Goffman
héritait de la tradition du comportement collectif, initiée par Robert E. Park à
Chicago, qui lui-même avait élaboré,
dans un sens démocratique, la distinction de Tarde entre foule et public. Les foules
de l’émeute ou de la panique étaient opposées à celles
de la discussion rationnelle, fondée sur des faits d’enquête et d’expérimentation.
On pourrait développer une lecture dramaturgique de ces
rassemblements, pris comme performances collectives, avec leurs idiomes
corporels, leurs costumes et leurs accessoires, comme John Lofland a pu le
faire à propos du « lobbying des foules » et en
examiner les jeux d’interaction entre scène, coulisses et
auditoire. On pourrait en décrire les cadres de participation discursive, les
formats de production et de réception, et les multiples figures d’aparté, de collusion, de messe basse ou de parole à la cantonade (« Footing ») que l’ethnographie
de la communication nous a appris à repérer. On
pourrait les voir comme le produit d’une activité coopérative entre
un certain nombre d’acteurs, plus ou moins spécialisés,
qui contribuent à orienter l’attention
d’un auditoire vers un foyer commun – par exemple, dans la manifestation syndicale, la démonstration
scientifique, la conférence universitaire, la déclaration gouvernementale, le
débat parlementaire, le talk-show médiatique… La coprésence dans ces « espaces d’apparences », avec ses engagements mutuels, ses alignements rhétoriques, ses
manipulations stratégiques, ses provocations rituelles, ses leaders
charismatiques et ses personae non gratae engendre des
atmosphères
plus ou moins passionnées, qui peuvent être bien réglées, de
convention, tout comme aller de la dépression à l’effervescence
et l’exaltation.
Goffman a (à
son corps défendant) été un précurseur des
enquêtes qui au début des années 1960, ont remis en
cause toutes sortes de présupposés, de méthodes et de résultats en
sociologie de la déviance et ont proposé de nouvelles analyses en termes
d’étiquetage, de catégorisation ou de stigmate. Ces enquêtes ont contribué à transformer la perception et l’évaluation de la
folie, de l’homosexualité ou du handicap et ont indirectement nourri l’expérience
de protestation de l’antipsychiatrie et des mouvements
sociaux à venir.
Quelle différence Goffman fait-il pour l’étude des mobilisations
collectives ? En quoi Goffman nous aide-t-il,
au-delà des lectures de John Lofland ou William
Gamson, à décrire et à analyser
manifestations ou occupations ? Avec le « mouvement des places », Occupy et la
multiplication des zones à défendre (ZAD), Nuit Debout
et les Gilets jaunes, les Manifs anti-G8 et les Marches pour le climat, la
place de l’espace dans les mobilisations collectives a acquis une
nouvelle saillance. Goffman peut-il nous aider à mieux
comprendre des dynamiques collectives ? Comment l’usage
généralisé des smartphones et des réseaux sociaux
change-t-il le « sens du lieu/ de la place » (un
diagnostic déjà ancien de Meyrowitz) ? Et peut-on poursuivre l’enquête
sur cet autre type de rassemblements que sont les assemblées de démocratie
délibérative ou participative, en mettant les idéaux normatifs de la
philosophie politique à l’épreuve d’un réalisme interactionnel ?
4. Troubles et alarmes
Que deviennent les
« apparences normales » dans des situations où nos
environnements sont en crise ? Comment l’ordre
public se reconfigure-t-il, provisoirement ou durablement, lorsque certains de
ses principes fondamentaux se trouve suspendus — pensons, en particulier,
aux situations de lockdown rencontrées dans nos
métropoles ces dernières années, d’abord dans des situations d’alerte
maximale suite à des attentats en série, puis bien
entendu en réponse à la pandémie Covid-19 ? Quand la confiance a prioridans le milieu ambiant s’évanouit, eu égard à la prévisibilité d’une
relative sécurité des personnes et des biens, que
reste-t-il de l’ « inattention civile », supposée orchestrer la
sélectivité de nos engagements et de nos alarmes (Gayet-Viaud) ? Outre les risques directs d’atteinte
à l’intégrité personnelle, quelles autres transformations, manifestes
(visibilité accrue de la misère urbaine liée à l’augmentation
du sans-abrisme et à une situation de crise
migratoire) ou inchoatives (prémices du réchauffement climatique), mettent en
péril nos environnements autant que la confiance que nous pouvons avoir en eux ?
Si, chez les
pragmatistes, le trouble est surtout l’occasion
d’enquêtes, suscite des dynamiques d’apprentissage
et engendre un surcroît d’intelligence,
le trouble goffmanien défait le sens, inhibe l’action
et dégrade
l’expérience. Comment alors retravailler
Goffman pour prendre en compte des dynamiques d’ « interpellation » et de « sollicitation » initiées
par les troubles de la vie publique ? En retour,
que peuvent apprendre les sociologues pragmatistes enclins à saisir à le trouble comme facteur de
mobilisation (cognitive, pratique, politique), de processus d’ « élaboration
de l’expérience négative » (manufacture of
negative experience) à travers lesquels le
trouble s’amplifie sans perspective de dépassement, sans qu’il
soit d’ailleurs proprement constitué en problème et n’incite
les acteurs concernés (encore moins un public) à le
prendre en charge ? Comment décrire les troubles
et les épreuves qui ne débouchent sur aucune capacité d’agir
ni aucun engagement (Stavo-Debauge) ?
5. Offenses
La
catégorie de l’offense est centrale dans l’œuvre
de Goffman. On l’entend souvent comme une offense
infligée à quelqu’un
– l’insulte ou l’affront qui fait perdre la face, appelant
des rituels de réparation pour restaurer la sacralité de la personne. Les
offenses à l’intégrité des personnes sont aujourd’hui
particulièrement
étudiées dans les situations de harcèlement, de
stigmatisation et de discrimination : elles sont
au cœur des études de genre, sur la race ou sur le handicap. Loin toutefois de
ne concerner que le face-à-face, elles mettent à
l’épreuve les politiques menées, de façon directe ou indirecte, par les institutions (discriminations à
l’embauche, profilage racial dans les contrôles d’identité, inégalités salariales, etc).
Comment la transformation en cours des
formes, lieux et pratiques du débat public (des arènes participatives aux plateaux télévisés, en passant par les réseaux sociaux
et la presse écrite) reconfigure-t-elle le rôle de l’offense
dans la conversation publique – et politique en
particulier ? Comment les algorithmes
dessinent-ils les frontières de ce qui est dicible, montrable, de
ce qui vaut bannissement ? Comment étudier les
conditions de définition de ce qui se fait et ce qui importe dans l’échange d’arguments
et d’idées ? Comment la fabrique de l’opinion
s’inscrit-elle dans des dynamiques renouvelées de l’offense ? Il y a des offenses à l’ordre moral, comme les attentats à
la pudeur ou les outrages aux bonnes mœurs, des offenses à
la mémoire, qui portent atteinte à la
vérité du passé, des offenses au pouvoir, comme les
crimes de lèse-majesté. De l’invective à
l’évitement, de l’offense protestataire (les seins
nus des Femen) aux discussions des limites à poser à
la liberté d’expression, comment la valence des
offenses est-elle définie ? Comment les contours
de la parole et de l’action autorisées sont-ils aujourd’hui
redessinés ? Quelles nouvelles pistes d’enquête poursuivre qui, là encore,
approfondissent la portée politique de l’appareillage
conceptuel goffmanien ?
6. Débordements et ravages
Enfin, une politique de l’interaction
inquiète
des impropriétés comportementales et des infélicités
communicationnelles, qui serait celle de Goffman, a-t-elle encore droit de cité
à l’heure où les actes de transgression se banalisent
et, intégrant le répertoire expressif des gouvernés comme des gouvernants, en
viennent à constituer une attente de l’interaction ? Les occasions sont innombrables d’observer
et décrire des épisodes de « vandalisme interactionnel »
(Duneier et Molotch) dans des rencontres
publiques en assemblée ou en ligne, de tracer et documenter les « ravages »
(havoc)
qu’ils
causent aux situations, organisations et environnements. Au-delà de situations
isolées, ces engagements transgressifs, dans lesquels se spécialisent certains
acteurs politiques ou citoyens par une stratégie de retournement du stigmate,
semblent participer de véritables « carrières de déviance civique » (Berger). Comment suivre ces développements
et rendre compte de ces phénomènes, dans des temps longs et à partir d’analyses inter-situationnelles
(Tavory et Trouille) ? Que nous disent-ils par ailleurs des
transformations contemporaines de la sphère publique et des enjeux liés aux investissements
personnels, existentiels, de la vie démocratique ? En effet, si l’ « élargissement de la participation »
d’individus ordinaires aux « cercles
extérieurs » de la sphère publique et les débordements, désordres et
désorganisations qui les accompagnent peuvent être vus par certains comme
nécessaires à la vie démocratique, Goffman,
dans « The Insanity of Place », est prompt à y déceler un symptôme mental,
une pathologie de l’engagement.
Et si l’accessibilité
maximale des espaces publics de participation et de délibération est souvent
considérée comme un critère allant de soi pour évaluer leur qualité démocratique, le réalisme
goffmanien invite l’ethnographe du politique à s’inquiéter des
logiques portant - et des trajectoires empruntées par - ces engagements prompts
à « pénétrer la vie publique par ses portes les moins gardées ».
Quels éclairages des enquêtes sur ces questions peuvent-elles apporter aux
débats actuels autour des théories de la démocratie ? Peuvent-ils par
exemple nous permettre de revisiter le débat Dewey/Lippmann autour du juste
degré d’accessibilité de la pratique politique, le second voyant plutôt
dans le trouble ou la confusion (bewilderment)
suscitée par des engagements profanes
débordants un danger pour la démocratie, une perspective partagée aujourd’hui par certains auteurs
pragmatistes en philosophie politique (Talisse) ?
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